Prioriser l’accessibilité, car un jour, nous aurons tous un handicap.
- Etienne LeSage
- 3 déc. 2022
- 3 min de lecture
Imaginez que vous ayez besoin d’une canne, d’une marchette ou d’un fauteuil roulant tous les jours pour vous déplacer. Vous faites de grands efforts de planification avant de sortir, en espérant participer à une activité sans problème. La plupart des marches, des escaliers que vous ne pouvez pas prévoir sont des barrières suffisantes pour vous inquiéter et menacer votre autonomie. Vous êtes souvent embarrassé quand trop d’obstacles vous empêchent d’utiliser une salle de bain en toute dignité. Éviterez-vous encore une fois de visiter les magasins, les églises et même le domicile des amis où vous savez que de tels problèmes vous attendent ? Prendrez-vous le risque d’être rejetée, exclue d’un groupe ou d’une activité, d’être humilié en public en cas d’accident ou de vous sentir complètement dépendante à la merci d’inconnus ? Êtes-vous anxieux rien que d’y penser ? Ce n’est peut-être pas votre réalité aujourd’hui, mais ça le deviendra probablement un jour.
Malgré la réputation inclusive de l’Église Unie du Canada, nos églises et activités communautaires ne sont pas assez accessibles aux personnes handicapées qui ne se sentent qu’à moitié acceptées. On nous invite sous prétexte d’enrichir la communauté de nos dons et perspectives uniques, mais on néglige d’honorer nos limites inévitables en nous imposant des obstacles. En tant que pasteur handicapé, j’y suis confronté tous les jours. Certaines églises ont déjà pris de bonnes mesures pour assurer que leur sanctuaire soit plus accessible, mais seulement pour les fidèles qui restent dans les bancs ; pas au-devant, à l’endroit où s’activent les célébrants. On oublie que les pasteurs comme moi et autres leaders communautaires de tout âge peuvent aussi être des personnes handicapées.
L’accessibilité n’est pas qu’un enjeu physique, mais aussi émotif et spirituel. Par exemple : une entreprise inaccessible me renvoie le message que les dirigeants ne croient pas que je puisse être un client respectable. Une église inaccessible me renvoie le message que je suis une personne qui mérite seulement la charité, mais pas la valorisation active dans le corps du Christ.
Dans toutes les paroisses où j’ai travaillé ou celles visitées, j’ai entendu des leaders se décharger de leur devoir d’accessibilité. L’argument financier écarte les discussions avant même qu’elles puissent d’être considérées: « on voudrait bien, mais nous n’en avons pas les moyens, les rénovations nécessaires coûteraient trop cher, ou seraient trop compliquées. »
En faisant l’erreur de croire que le problème ne touche qu’une petite minorité, on pourrait trouver aberrant de dépenser autant de ressources pour si peu d’individus en apparence. Or, un milliard de personnes, soit 15 % de la population mondiale (note 1), sont en situation de handicap à tout moment. Mais ce nombre ne dit pas tout: cette proportion gonfle pour représenter la majorité si on tient compte que tous les corps changent au cours d’une vie. La seule différence est que nous ne le vivons pas tous en même temps. Tous les êtres humains qui ont la chance de vivre assez longtemps sont destinés à vivre en situation de handicap un jour et finiront par subir les mêmes problèmes que ceux qui ont vécu le handicap avant eux. Certains, comme moi, sont des personnes handicapées depuis la naissance; d’autres le deviendront suite à la maladie ou un accident. Dans le meilleur des cas, le vieillissement naturel imposera à tous et toutes des troubles de mobilité, de vision, d’audition, de mémoire, de cognition, de douleur et de fatigue.
Le handicap apparaitra souvent comme un choc, une douche froide dans la vie de ceux et celles qui ne se croyaient pas concernés. Il cause son lot quotidien de frustration, de découragement et d’exclusion. Les problèmes d’accessibilité négligés menacent même la santé mentale de ceux qui y sont trop souvent confrontés. Attendrez-vous d’en être victime à votre tour avant d’agir et défendre l’accessibilité ? Au nom du bien-être de tous et toutes, il ne faut plus s’en laver les mains.
Des suggestions pour commencer:
Expliquez aux membres de votre communauté pourquoi les problèmes d’accessibilité sont d’intérêt universel. Il ne s’agit pas de faire peur aux gens, mais de les motiver à se sentir concernés maintenant pour qu’au final, tous et toutes soient épargnés d’une exclusion pénible autant que possible.
Consultez la liste de vérification (note 2) et la page Disability, Accessibility and Inclusion(note 3) conçues par l’Église Unie pour éviter des oublis en matière d’accessibilité.
Consultez les organismes locaux, provinciaux et fédéraux qui peuvent vous présenter les ressources disponibles pour contribuer au financement collectif de vos mesures d’accessibilité.
Notes et Références
1. Organisation mondiale de la santé, “World Report on Disability,” December 14, 2011, https://www.who.int/publications-detail-redirect/9789241564182.
2. https://united-church.ca/sites/default/files/accessibility-audit.pdf (en anglais seulement)
3. https://united-church.ca/community-and-faith/being-community/disability-accessibility-and-inclusion (en anglais seulement)
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